Bulletin numéro spécial décembre 2018 : la catastrophe de 1902, l’horreur dévoilée, sociologie des victimes

Sommaire

  1. Saint-Pierre avant la catastrophe de 1902
  2. La catastrophe de 1902
  3. Les victimes des éruptions de 1902
  4. Le sort des sinistrés après la catastrophe
  5. Perspectives

Mémoire pierrotine

Les catastrophes  naturelles contemporaines dans le monde sont nombreuses. Le nombre des victimes atteint des sommets. Les actions collectives qu’elles suscitent visent d’abord à sauver le maximum de vies. Dès que l’écoulement du  temps rend impossible la poursuite de ce premier objectif, l’identification des victimes devient un impératif majeur pour des raisons légales (certificats de décès) et l’attente affective de la population sinistrée.

Saint-Pierre 1902 : Certains aspects de cet évènement, extraordinaires pour l’époque, restent dans l’ombre. Que savons-nous aujourd’hui sur l’identité des disparus, leurs familles, éteintes ou tragiquement amputées d’une partie de leurs membres ? Il y a eu bien sûr, les reconnaissances officielles de disparitions, obtenues grâce aux jugements déclaratifs de décès qui ne concernaient qu’un nombre limité de familles, notables pour la plupart. Et les autres ? Qui étaient-ils ? Quelles traces ont-ils laissées ? Pouvait-on continuer à ignorer leur identité ?

Mais, direz-vous, tout cela n’est-il pas bien loin, à quoi bon remuer les cendres ? Cendres qui, par couches successives, ont enfoui une bonne part de cadavres non exhumés. Malgré les incinérations, menées sous la menace du volcan toujours en crise, et l’érection d’un ossuaire, la ville actuelle de Saint-Pierre reste une nécropole enfouie sous nos pieds, et sous les roues de nos voitures.

La consultation de documents originaux aux Archives nationales d’outre mer (ANOM) à Aix-en-Provence a permis, en toute légitimité, de compléter le dossier des victimes et sinistrés. Depuis 2002, l’association AMARHISFA s’est appliquée à retrouver leurs identités. A la suite de l’association Généalogie et Histoire de la Caraïbe (GHC) qui avait lancé l’opération, elle a dépouillé les cartons du fonds C8C contenant entre autres les dossiers nominatifs des victimes, décédées ou survivantes, les demandes de secours. Ce bulletin spécial de l’AMARHISFA souhaite remettre en mémoire des individus hors d’officiels ou autres autorités de l’époque.

Cette approche a été sans doute inspirée par les importants travaux précurseurs menés depuis de nombreuses années par Léo Ursulet(2), Docteur en histoire et professeur de mathématiques.

Même 116 ans après,  la découverte et la communication des identités des victimes sont autant d’actes de compassion, peut-être éphémère… Mais ne contribuent-ils pas, sans prétention, à forger une conscience plus aiguë de ces tragiques réalités, rappelées au début de cet éditorial ? Ce numéro spécial présente l’important travail mené sous l’impulsion d’ Alex Bourdon, président de l’Amarhisfa. Puissent les efforts engagés parvenir à leurs fins,  jusqu’à la réalisation d’un mémorial, libéré des contraintes qui avaient pesé sur l’édification de l’ossuaire actuel.

La catastrophe de 1902 dévoilée : A la rencontre des victimes, disparues ou sinistrées

Le lundi 8 mai 2017 à Saint-Pierre, sur la place Bertin, l’Association Martiniquaise de Recherche sur l’Histoire des Familles (AMARHISFA) a organisé, en partenariat avec la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) et la ville de Saint-Pierre, une manifestation commémorative intitulée :

La catastrophe de 1902, la Martinique se souvient

Ce jour-là, un hommage solennel a été rendu aux victimes de la catastrophe en présence du Président du Conseil Exécutif de la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM), des maires de la Ville de Saint-Pierre et de la commune du Prêcheur et de nombreux autres élus de la Martinique. La manifestation, relayée par les médias, a contribué à la réappropriation de la mémoire de cette tragédie survenue en 1902. Année funeste, au cours de laquelle la montagne Pelée est entrée en éruption, et aurait fait, selon les estimations de l’époque, 28 000 à 30 000 victimes à Saint-Pierre, Prêcheur, Carbet, Morne-Rouge, Lorrain, Basse-Pointe, Ajoupa-Bouillon.

Avec le temps, l’identité des victimes avait disparu de notre mémoire collective. Grâce aux recherches réalisées par l’AMARHISFA et l’association Généalogie et Histoire de la Caraïbe (GHC), l’identité de 6830 victimes a été révélée le jour de la manifestation et gravée sur des panneaux exposés sur la place Bertin. Une brochure contenant les mêmes informations a été distribuée au public. Une conférence a été donnée par Alex Bourdon, président de l’AMARHISFA, devant un auditoire de plus de 300 personnes. Cette conférence est reproduite ci-après ainsi que quelques textes dits par Aline Belfort.

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