Bulletin 33

Sommaire :

Editorial (M. Roger Parsemain); p.2
Métiers an tanlontan (Mme Emmanuelle Clairis-Gauthier); p.4
Sorties pédagogiques (Mme Emmanuelle Clairis-Gauthier & Mme Monique Palcy); p.5
Du phénomènes des lahars en Martinique (M Ursulet); p.9
Note de lecture (M. Roger Parsemain); p.13
La musique toute la musique (Robert Charlery-Adele & M. Georges Rabol); p.15
Une curieuse affaire « L’affaire Larcher »; p.18

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Editorial

Si pour des raisons éditoriales nous aurons retenu du travail d’Emmanuelle Clairis-Gauthier, Métiers d’antan, une liste bien en deçà du nombre véritable des métiers recensés, il demeure, d’une part, l’indication d’une activité « fourmilière » aux mille tâches, donc propre à nous ébahir, et, d’autre part, une curiosité pour ce « monde » qui nous précède, nous a faits et détermine en bonne part nos lendemains.
En cela s’implicite et consiste l’intérêt « ligne rouge »reliant les articles de ce numéro. Voilà ce qui aura rassuré les auteurs eux-mêmes, inquiets avouons-le, d’un avant-goût du « disparate » si l’on s’en tient aux seuls titres des textes. N’aurait-il pas fallu développer une thématique bien établie avec des titres afférents ?
Disons tout de suite que la Martinique fut bien cette « fourmilière » du travail, de la sujétion, mais aussi de l’espoir et de l’action pour la dignité restituée à l’Etre, individuellement et collectivement. Et cette dignité, ce sens même d’un être, se cherchera en cet être lui-même, ou ailleurs qu’en la terre qui l’a vu naître, où il eut faim…/…la terre conquise que demi-morte…et dont jamais on ne peut s’en rompre l’amour(1) dirons-nous pour pasticher Maïakovsky.

Car comment comprendre autrement l’ouvrage de Georges B. Mauvois ? L’essai traite d’un aspect portant bien son énoncé, Les marrons de la mer(2), tranche d’histoire s’étendant de 1833, année de l’Abolition Act chez les Britanniques abolissant l’esclavage dans les colonies anglaises, à 1848, année de la fin du système esclavagiste à la Martinique. Nous y découvrons la quête fébrile, souvent dramatique, d’une dignité étonnamment naturelle. Ce chemin d’iliens et ses dangers restaient encore peu connus et maîtrisés, mais le but avait la force de l’essence même de l’Etre. (3)

Il en va du fil de la même quête avec les élèves du Collège de Ducos lors de la visite pédagogique d’Emmanuelle Clairis-Gauthier et Monique Palcy en ce lieu. La curiosité des adolescents s’accorda au mieux à l’activité « généalogie ». Au seuil d’une existence, il ne s’agissait pas de regards en arrière mais d’outillage intellectuel, pour construire maintenant et demain. L’être en devenir, de par sa famille et la société est un héritier et un contributeur du « demain ».

Des cadres et conditions naturels nous en évoquerons avec Léo Ursulet. Notre ami continue, sans rien céder au hasard et aux mystifications, sa réflexion sur le fait volcanique depuis la fin du XIXe siècle et ses répercussions sur la vie tout court en Martinique. Il nous intéresse au phénomène des lahars qui préoccupent singulièrement dans le secteur du Prêcheur jusqu’à la turbidité, ajouterons-nous, des eaux dans le secteur de Grand-Rivière. Si ces manifestations naturelles ne sont pas concomitantes dans l’immédiat à une activité éruptive comme dans le premier tiers du XXe siècle, elles n’en demeurent pas moins liées séculairement à la dite activité. En outre, reviennent les questions d’une gestion des phénomènes par les humains. Ce n’est donc pas, pour l’auteur, une invite à la simple curiosité aux limites du folklore, voire de l’exotisme. Il convie à une tâche marchante de réflexion et d’action qui n’ont de cesse d’être actuelles.

Robert Charlery-Adèle retrace l’itinéraire d’un musicien malheureusement oublié. Itinéraire où l’artiste Georges Rabol retrouve, dans l’éloignement géographique et le déportement supposé culturel, le chemin vers lui-même et les autres. Apprendre d’autrui ramène aussi au meilleur de lui-même l’être ouvert et prêt à l’accueil. Partir, c’est devenir un éclaireur vers soi même, reconnaître qu’il est un confin interne et que le bout du monde est en soi-même, dans cette « présence migrante » (4). Georges Rabol en fait l’expérience d’une vie. Telle la résurgence d’une source patiente mais toujours enfouie au creux du morne (5) et alimentée de pluies passées depuis longtemps, l’authenticité oindra plus fort le sujet qui voyagea, avait changé alors de lieu et revient. Il s’en révèle un lui-même épanoui et, dans l’élan re-naisseur, un nous à la fois vrai, prêt à l’accueil et au don, hors des médiocrités.
Enfin, « On est d’un lieu, d’un temps », voire d’un d’une classe sociale, d’un pan ethnique. Et de s’en aller, transgresser en quelque sorte, Serge Patrice Thibodeau, poète acadien nous apprend qu’ « On emprunte un chemin, qui ne nous appartient pas » (6). Mais les chemins de l’humain-être ont-ils des propriétaires ? Le chemin du mariage d’Henry Larcher est violemment contesté, et même remonté en justice par sa parentèle après sa mort afin qu’il soit bouché, voire effacé et illégitimé. L’intérêt matériel se masque de droit et les tribunaux doivent statuer. Le Bulletin offre à ses lecteurs l’objet d’un mémoire portant, non pas sur une déportation ou un marronnage. Il s’agit d’un mariage entre « maître » et « esclave », soit un « blanc » et une « femme de couleur ». Les termes du mémoire, la conclusion du Tribunal, révèlent de ce mariage qu’il n’est point mésalliance ou métissage incongru. Mais s’organisent les qualités d’un « déportement », ou d’un « décalage » nature qui tintent et sonnent désormais d’optimisme jusqu’à nous, soit l’écho ranimé d’espoir en l’humain.

Ainsi pour l’Antillais, il est une vocation de l’universel que ne déparent ni le dessein césairien de cet universel, ni l’américanité qu’un Vincent Placoly (7) n’a malheureusement, pas eu le temps de nous ouvrir totalement et nous offrir. Entre les deux énoncés, il peut s’avérer périlleux de chercher des contradictions de circonstance. Pour l’heure, que ce numéro du Bulletin de l’AMARHISFA invite modestement le lecteur aux voies vers l’accompli de l’Etre.

Roger Parsamain

 

Métier d’antan, métiers an tanlontan

Lors de nos recherches généalogiques, nous découvrons, avec plaisir, outre les noms, les différents actes concernant nos ancêtres. La lecture de ces actes nous précise parfois le ou les métiers exercés par eux. Certains de ces métiers nous sont connus et familiers, mais d’autres nous laissent un peu perdus. Que pouvait bien faire « la faiseuse de bouts, le torqueur, la calandeuse, ou encore le calfat  » ???
Il nous a semblé intéressant de proposer à tous nos amis de l’AMARHISFA la possibilité de découvrir tous ces métiers que pratiquaient nos ancêtres et qui ont disparu.
En 2010, l’atelier de généalogie du Club Détente et Loisirs 97-2 du Lamentin a présenté une exposition ainsi qu’une brochure sur « Les métiers antanlontan ». Avec leur aimable autorisation, nous vous présentons une sélection de ces métiers ainsi que leur signification.

Lire la suite sur le fichier PDF: tableau de la liste des métiers et leurs significations…

Mme Emmanuelle Clairis-Gauthier

 

Sorties pédagogiques de l’Amarhisfa au collège de Ducos

A la suite de contacts pris avec la documentaliste du collège de Ducos, Mme Ferné, deux membres de l’Amarhisfa, Emmanuelle Clairis-Gauthier et Monique Palcy ont accepté à deux reprises, en avril 2014 et en février 2017 de rencontrer des classes de 4ème pour leur présenter des recherches généalogiques dans le cadre d’un projet de classe consacré à ce sujet.

Voici comment les enseignants de Ducos ont présenté ce projet en 2014 :

« Dans le cadre de la Journée nationale de la mémoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leur abolition, 10 mai, et de l’abolition de l’esclavage en Martinique le 22 mai, les élèves de deux classes de 4ème du collège Asselin de Beauville à Ducos participeront à une action éducative portant sur l’origine des noms durant la période de l’esclavage.
Avant, les esclaves n’avaient pour identité qu’un prénom et un matricule. Après l’abolition de 1848, il faut donner un nom aux familles aux nouveaux libres. Cette méthode de nomination, réalisée dans chaque commune, a été consignée dans des registres, appelés en Martinique « registres des actes d’individualité ». La République a fait ainsi des esclaves martiniquais des hommes libres et des citoyens français.
A partir des activités proposées du Service éducatif des Archives départementales, les élèves travailleront sur un atelier « A la découverte d’un document d’archives : les registres des actes d’individualité (l’abolition de l’esclavage en 1848) ».
Cette action éducative s’inscrit dans le cadre du programme scolaire de 4ème d’histoire-géographie et d’éducation civique : Partie I « L’Europe et le monde au XVIII siècle » : Thème 3 : Les traites négrières et l’esclavage. Partie II « La Révolution et l’Empire » : Thème 1 : Les temps forts de la Révolution ; Thème 2 : Les fondations d’une France nouvelle pendant la Révolution et l’Empire : la Révolution et la question de l’esclavage (adaptation des programmes). Partie I : L’exercice des libertés en France : Thème 1 : Les libertés individuelles et collectives.

Titre de l’action éducative : L’origine des noms de la commune de Ducos en Martinique.
Objectifs du projet

  • Implication des élèves dans une action de Mémoire.
  • Sensibiliser les élèves à la traite négrière, à l’esclavage et à l’abolition.
  • Favoriser l’ouverture culturelle des élèves par la recherche de l’origine des noms des esclaves sur la commune de Ducos.
  • Responsabiliser les élèves en tant que futurs citoyens.
  • Favoriser l’utilisation des Nouvelles Technologies.

Actions pédagogiques envisagées

  • Travail de recherche sur les noms des esclaves à partir de registres d’individualité aux Archives Départementales.
  • Intervention de deux ou trois membres de l’Association Martiniquaise de Recherche sur l’Histoire des Familles AMARHISFA.

Activités et productions des élèves

  • Réalisation d’un arbre généalogique numérique (nom de famille attribué à un ou une esclave après l’abolition de l’esclavage en 1848).

La rencontre ayant eu lieu à la satisfaction de toutes les parties prenantes, sa reconduction a été proposée en 2017, avec des classes de même niveau.

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Mme Emmanuelle Clairis-Gauthier
Mme Monique Palcy

 

Du phénomène des lahars en Martinique

Maison Basse-Pointe détruite par un lahar en 1902

Le phénomène des lahars sur les flancs de la Montagne Pelée vient encore de se manifester ; les consciences s’en sont trouvées particulièrement choquées, se demandant même si elles ne sont pas en présence des effets d’un réveil de leur volcan. La directrice de l’Observatoire Volcanique et Sismologique de la Martinique (l’OVSM) a, du reste, eu beaucoup de difficultés à désamorcer cette rumeur, tant l’empreinte du passé sur la mémoire collective reste encore vivante. Pourtant celle-ci s’appuie sur des faits imparables que sont les données recueillies chaque jour par un vaste dispositif d’appareils installés un peu partout sur les flancs du volcan et qui ont fait leur preuve dans le monde.

Les lahars dans notre histoire

Le phénomène des lahars, est bien connu dans notre histoire ; la population martiniquaise lui a payé un lourd tribut en 1902. Il fut même au cœur de dramatiques discussions entre les autorités aux prises avec l’éruption de la Montagne Pelée à ce moment-là, mais hélas sans qu’elles aient pu décider une stratégie de repli  qui aurait  probablement sauvé de nombreuses vies le 8 mai, bien que l’aléa destructeur en cause fût sans rapport avec lui.

Lahar est un terme d’origine indonésienne, qui désigne un phénomène  fréquent sur les nombreux volcans d’Indonésie, et que l’on retrouve finalement beaucoup sur les volcans des Antilles, d’Amérique Centrale et du Sud. Il s’agit de crues subites transportant des produits pyroclastiques c’est-à-dire des produits de projection volcaniques retombés dans un ordre chaotique sur les flancs d’un volcan et se trouvant en position instable, comme des masses de boue, de cendres, de lapillis et de blocs rocheux de toutes tailles. Ces crues, qui dévalent les pentes du volcan avec une vitesse considérable, ou empruntent la ligne de plus grande pente sur ses flancs ou finissent par s’engager dans le lit de rivières voisines. Emportant tout sur leur passage, les lahars possèdent un énorme pouvoir dévastateur.

Ce phénomène est vieux comme le monde, et reste un des effets indirects du volcanisme les plus redoutés pour les populations voisines des volcans principalement explosifs. Les dépôts boueux en ordre chaotique que sont les tufs s’observant dans les régions basses au voisinage de la Montagne Pelée, attestent que les lahars d’origine volcanique ont eu un rôle important au cours de l’histoire éruptive de ce volcan. Ce sont des lahars qui ensevelirent la ville d’Herculanum, il y a 19 siècles, sous une couche de boue de quinze à quarante-cinq mètres d’épaisseur.

Le lahar particulier du 5 mai 1902

En fait les lahars peuvent être très différents dans leur origine. Ils peuvent avoir un rapport très indirect avec la pluie ; ce fut par exemple le cas, le 5 mai 1902 à Saint-Pierre. Que s’est-il passé en fait ce jour-là, vers 12 heures30 ? Depuis deux jours, la rivière blanche accusait des débordements insolites, sans qu’il plût, ce que personne ne comprenait vraiment du reste.

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M. Léo Ursulet

 

Note de lecture

LES MARRONS DE LA MER  (Georges B. Mauvois)

En décembre 2017 paraît, aux Editions Karthala et Ciresc, l’ouvrage de Georges B. Mauvois, soit six ans après son décès le 6 décembre 2011. La préface de Richard Chateau-Dégat précise « que ce texte tout à fait original, a été, pour l’essentiel en tout cas, réalisé au début des années 2000 « . Il note « les judicieux questionnements »  et « les prudentes propositions d’interprétation et d’analyse de l’auteur » qu’il joint à la « netteté de l’exposé ». L’ouvrage n’est pas un traité général sur le marronnage des esclaves en nos îles. Il porte sur les deux à trois décennies précédant la fin du système esclavagiste de 1848 à la Martinique.

Le cadre géographique est la réalité bien nôtre, insulaire et archipélagique.

La lecture révèle plus qu’un climat mais la situation psychologique particulièrement différenciée en ces années. Le lecteur percevra aisément les actions et échanges entre abolitionnistes anglais et français, les enjeux politiques depuis le Congrès de Vienne en 1815 et l’abolition de la traite, l’Abolition Bill du 8 Août 1833 et le changement énorme dans les colonies britanniques, les craintes farouches et mesures coercitives des planteurs et autorités des colonies françaises, la volonté de liberté des esclaves et les détails, réussites ou échecs, de ce marronnage. L’analyse subtile des documents permet à l’auteur de pointer des questions propres à nous ramener aux réalités actuelles. S’amorce un tableau quant aux conditions, ou fonctions, des marrons : nègres de houe, à talents, domestiques, urbains ou ruraux, les cas de femmes, de familles constituées avec des enfants…Dès lors notre lecteur découvrira que toutes les conditions sont à prendre en compte pour une analyse fine. Sont signalés des passeurs locaux ou des  instigateurs venus de Dominique et de Sainte-Lucie.

Le phénomène de ce marronnage nettement amplifié avec l’abolition dans les colonies britanniques n’est pas sans conséquences sur la pratique de la pêche à cause d’une police draconienne des pirogues. Des propriétaires réclament « la destruction de toutes les pirogues ». Nous apprenons que la période d’hivernage, coupée d’accalmies importantes, est la plus favorable pour la fuite. Les marrons doivent, en effet, livrer bataille contre les humeurs de la mer. Ils sont aussi poursuivis jusque dans les îles d’accueil et des propriétaires engagent même des négociations, font « mille promesses ». On note des réponses comme : « Non …nous n’avons pas à nous plaindre de vous, mais nous sommes fatigués de travailler pour un maître au lieu de travailler pour nous ».

Un chapitre traite de « l’exode des talents », plus actif que l’exode des « nègres de houe ». On note la difficulté pour les femmes, à cause des enfants ou par crainte des viols. Mais celles résolues à marronner font preuve d’une détermination à toute épreuve.

La géographie des lieux de départ est précise. Le sud et le nord de l’île sont des secteurs privilégiés mais aussi les flancs de l’île, du Macouba à la Trinité, de Saint-Pierre à Case Pilote, de la pointe sud au Vauclin et au François(1). Quant aux « terres d’accueil », à Sainte-Lucie et Dominique il faut ajouter, en moindre proportion, Saint-Vincent et Trinidad. Enfin l’ouvrage fait état du cabotage important entre les îles.

En tout cas, les débats au Conseil Privé sont animés et les controverses sont parfois intenses.

N’omettons pas que Georges B. Mauvois n’a pu parachever son œuvre. Il en ressort de nombreuses notations qu’il aurait sûrement développées. Elles ont le mérite d’éveiller la curiosité du lecteur et sa réflexion. Ce dernier pourra, par exemple, penser aux migrations voulues en rapport avec l’exode des talents où la recherche de la liberté tinte en écho avancé de notre actuelle dite « fuite des cerveaux ». De même nous nous sommes interrogés sur la panique coercitive de propriétaires. Ceux-là, les plus nombreux étaient-ils moins « visionnaires » ou simplement avisés, alors que d’autres, dès cette période envisageaient une sorte  de « colonage partiaire », comme au François ou à la Grand-Anse, tel que le rapporte Blondel de la Rougery (2) ?

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M. Roger Parsemain

 

Georges Rabol: la musique, toute la musique

La Martinique a donné à la musique des noms avec leur part de succès et de gloire,  dont nous pouvons être fiers. Parmi les contemporains, il y en a un qui a retenu mon attention, car j’ai eu la joie et l’honneur de l’entendre à Paris.

Sa Généalogie 

Georges Rabol est né à Paris 18ème le 24 décembre 1937, de VAUZELLE  Simonne et de RABOL Georges Godefroy.

Ses racines généalogiques paternelles sont en Martinique, au Gros-Morne, où est né l’ancêtre qui a porté le nom  le premier : c’est  sur un acte d’individualité (1) n° 2513 qu’il est mentionné que «  Le citoyen Jean-François né dans la commune du Gros-Morne âgé d’environ 63 ans fils de feu Arthémise, domicilié au Lamentin et inscrit précédemment au registre matricule des esclaves sous le n°215 s’est présenté devant nous et a reçu les noms et prénoms de Rabol Jean François – Mairie du Lamentin le 15 juin 1849 »…

Le nom est toujours porté au  Gros-Morne, ainsi qu’au Morne-Rouge et à Saint-Joseph, communes limitrophes au nord de la Martinique.

La vie de Georges Rabol s’est déroulée à Paris. Il a vécu ses dernières années dans la région de la Puysaye, à Bouhy dans le département d’Eure-et-Loir,  dans la Nièvre.

Sa Formation 

Son enfance et sa jeunesse lui ont offert des occasions particulières de découvrir la musique. Son père était musicien à Paris à La Cigale, batteur dans un orchestre « créole » dont les échos participèrent à fonder la sensibilité musicale de Georges. Il a écouté Léardée, Mazounzy, Al Lirvat, mais aussi des jazzmens, et fut bercé dès son enfance par la musique jazz et antillaise. Son père veilla à ce qu’il fasse des études musicales très poussées : « Mon père n ’avait pas pu étudier la musique aux Antilles, en raison du manque de structures à l’époque. Il voulait pour moi le meilleur. Il avait raison, ça permet de « former son squelette », d’acquérier de bonnes bases. Il y a toutefois le danger de se couper de ses racines naturelles ; on est dans la lettre et on perd de vue l‘esprit » (3).

Diplômé du  CNSMDP, le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, Geroges Rabol a obtenu notamment une première médaille de piano et une troisième médaille de déchiffrage. Parallèlement au piano, il étudie le clavecin, l’orgue et l’écriture musicale.

Ses activités musicales

A sa sortie du conservatoire, en 1959, à 22 ans,  son premier récital est donné salle Pleyel à Paris. Ensuite, il se produit avec les plus grands artistes de l’époque, parmi lesquels Christiane Eda-Pierre et Frédéric Lodéon. «J’ai un goût prononcé pour la musique classique du 18ème siècle. Parce qu’à cette époque elle était portée par un élan massif venant du peuple. D’ailleurs, elle s’appuyait très souvent sur des danses populaires … Le classique contemporain a divorcé avec ce courant … Dommage… ! » (2 )

Dès ses débuts, Georges Rabol compose pour des  commandes spécifiques, telles des pièces de vituosité pour flûte et piano (Songe Caraïbes) ou une suite en septuor créée pour l’opéra de Marseille.  De nombreux disques de sa propre composition  (Baroque Jazz trio, Aenaon, Alchimie …) sont également édités.

Il joue aussi de la musique jazz. « La musique de qualité n’est l’exclusivité d’aucun genre … Oui, j’aime beaucoup le jazz … justement parce qu’il a la même essence que le classique du 18ème siècle…il exprime les pulsations, les émotions, la vie avec tout ce que cela sous-entend comme turbulences et infinies variations » ( 2). A Paris, c’est l’époque de Charlie Parker et du « bip bop ». Il joue avec Al Lirvat, le tromboniste guadeloupéen. « Après la rigueur du Conservatoire, je découvrais la liberté ».

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M. Robert Charlery-Adèle

 

Une curieuse affaire

L’affaire Larcher ! Le Mémoire Larcher !

Trois mots qui évoquent des faits oubliés ou inconnus, un document que possédaient naguère les archives judiciaires de la Martinique, mémoire d’une renommée mystérieuse, sorte de livre défendu dont autrefois l’on ne parlait que tout bas et qu’on lisait en cachette !
Racontant cette affaire qui remonte à l’année 1772, notre grand compatriote, le Docteur Rufz de Lavison, écrivait en 1850, – 78 ans après : (1)
« Si malheureusement aujourd’hui encore cet article blesse quelqu’un, je le prie de se souvenir que c’est un droit acquis à l’histoire de parler d’un temps déjà loin de nous ; surtout lorsqu’elle en parle avec justice et modération. »
Justice et modération, telles sont, à son exemple, les vertus qui nous animeront 170 ans après l’affaire Larcher.
Passant sur les nombreux détails qui ont précédé et motivé cette affaire et que Maître Belliard de Vobicourt, avocat et auteur du fameux mémoire, y avait longuement exposé, disons en un très bref résumé qu’une esclave, Madelaine Roblot, qui, selon l’usage, s’appelait du nom de sa maîtresse, Madame Roblot, de la commune du Diamant, avait été vendue en 1744 au Sieur Henri Larcher, ainsi que son fils dont l’acquéreur était le père.
Cette femme active et laborieuse qui avait bien servi sa maîtresse fut très utile aussi à son nouveau maître, tint sa maison d’une façon irréprochable, mit de l’ordre dans ses affaires et rétablit sa fortune, tout en travaillant aussi pour assurer l’avenir de leurs enfants.
Par ailleurs les propres parents de Henri Larcher lui causaient mille peines par leur inconduite, leur prodigalité et leurs manquements graves envers lui.
Aussi décida-t-il en toute justice et par reconnaissance d’épouser Madelaine Roblot. Le contrat de mariage passé devant Maître Dumes, notaire à Fort Royal, le 18 juin 1768, le premier ban fut publié le 19. Un neveu, Lambert Larcher, fit opposition le jour même et fut débouté le surlendemain.
Le préfet apostolique accorda la dispense des deux autres bans et le Curé des Anses d’Arlet, l’abbé Garri, la permission de faire le mariage à Saint-Pierre.
Cette union fut célébrée le 22 juin 1768 avec toutes les autorisations des pouvoirs civil et religieux, y compris celle du Comte d’Ennery, gouverneur général de la Martinique.
Les témoins furent le chevalier Rampont de Sommercourt, frère du procureur général et membre du Conseil Souverain, Corent de Ribère, lieutenant au régiment du Maroc, Ducassou, habitant, et Jean Merle, négociant.
Mais, après le décès de Larcher, les siens, par intérêt et afin d’avoir son héritage, intentèrent une action et mirent tout en œuvre pour obtenir l’annulation du mariage qu’ils estimaient défendu parce qu’il avait été contracté entre un blanc et une femme de couleur, sa concubine, entre un maître et son esclave, et d’une façon clandestine puisqu’il fut célébré, non aux Anses d’Arlet, mais à Saint-Pierre.
C’est dans cet état que l’affaire arriva devant le Conseil Souverain.
Et c’est là que l’avocat, avec hardiesse et indépendance, remontant aux origines des demandeurs, entreprit de démontrer que les Larcher qui se croyaient et qu’on croyait blancs, « dont le sang, à les entendre, n’avait jamais éprouvé de mélange capable de le corrompre », n’étaient pourtant pas de bons blancs, appert les arbres généalogiques dressés par l’avocat et desquels il résultait que les agresseurs descendaient de Catherine Panel, personne de couleur, mariée en 1667 à Jean Elizambert, matelot.
De plus, Maître Belliard de Vobicourt cita l’Edit de 1665 appelé le Code Noir dont les derniers mots justifiaient le mariage de Henri Larcher et de Madelaine Roblot, ces mots s’appliquant à « l’homme libre qui n’étant point marié à autre personne durant son concubinage avec son esclave, épousera dans les formes observées par l’Eglise la dite esclave qui sera affranchie par ce moyen et les enfants rendus libres et légitimes. »
Et le mariage fut confirmé !
Du mémoire dont rien ne prouve qu’il a été brûlé par les mains du bourreau comme la tradition le veut, citons, pour donner une idée de l’esprit dans lequel il a été rédigé en plein 18ème siècle, ces phrases :

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