Bulletin 29

Bulletin 29, le Sommaire :

  • Editorial; page 1
  • Alexandre Stellio; page 3
  • A la source des airs…Sepan Meg’; page 11
  • E. et F. Mothie, musiciens de pères en fils; page 18
  • L’étonnante histoire de Madame Laurence; page 26

Chers membres et amis de l’AMARHISFA, c’est avec quelque retard que nous vous proposons ce n° 29 de « Notre Bulletin » consacré en grande partie à quelques musiciens d’antan ou d’aujourd’hui, connus et méconnus. Il ne s’agit point d’un numéro sur l’art musical chez nous. Nous proposons juste une « excursion » avec quelques noms. Soit l’observation d’un peu d’écume ou d’embrun de cet art. Mais nous savons qu’écume et embrun peuvent renfermer et révéler les principes les plus volatiles et efficients de produits naturels ou composés chimiques. Stellio, les musiciens de Malavoi, les frères Mothie, illustrent une culture sans cesse vivante, enfouie par endroits ou s’étalant souvent de manière surprenante aux heures du numérique et des traversées modernes. Avec eux, nous percevons combien la pratique et la création musicale caribéennes sont phénomènes de l’histoire même de ces îles. Les mots et expressions, contacts de civilisation titre d’un ouvrage de Michel Leiris, créolité, créolisation, américanité si chère à Vincent Placoly, explosent comme autant de bulles d’une vérité en gestation ininterrompue dont le sens s’esquive, se reprend, s’étale et se disjoint au désespoir secret ou avéré de qui prétend en saisir ou établir une signifiance définitive.

Le lecteur percevra, nous l’espérons, l’intérêt de dépasser nos allusions brèves quant aux parts du milieu géographique et social, de la famille, des circonstances de la vie commune en Martinique à telle ou telle période. En tout cas, il sera tout aussi captivant de constater en quoi l’histoire des familles conditionne le destin de tel ou tel de nos musiciens. Si nous apportons des éléments à propos des frères Mothie, peu connus des jeunes générations; le lecteur pensera aux familles Nardal, Bernard, Coppet. Il ne s’agira pas d’établir des hiérarchies ou une « typologie » des genres musicaux, des talents et génies, la nomenclature des carrières avec leurs échecs ou réussites. Mais consentons à des observations non dénuées d’attraits, par exemple au niveau des communes et quartiers urbains ou ruraux. Dès lors, interroger des anciens s’avère urgent. Certes les Terres Sainville furent vivier d’un humus populaire et urbain. Mais au François, les parentèles Rosamond à Perriolat ou Breleur et Caraman à Bonny, à Rivière-Pilote, Guitteaud, Marie-Angélique à Saint-Vincent, sont autant d’éléments pour une histoire musico-familiale de la haute-taille. Des compositions restées inconnues ou ré-enfouies (mazurkas par exemple), ne dépareraient pas le patrimoine. Ces réalités familiales, bousculées par la dite « modernité », existent, nous le savons, pour le « bèlè » et d’autres genres musicaux, voire la pratique de l’accordéon. Viennent les débats ou controverses quant à l’authenticité, l’identité. Quand parler d’imitation, de fermentation créole, d’éléments déclencheurs, voire de plagiat sans en déterminer au cordeau les frontières si volatiles de la pratique de l’art, de la création ? Dès lors, il en va des musiques caribéennes séculairement rechargées ou émettrices. Et ceci entre les îles elles-mêmes et l’ailleurs plus ou moins lointain. Soit l’incessant d’un mouvement au même rythme de la « mer toujours recommencée » aux plages, falaises et mangroves de ces îles. La mer, pour les îliens, fermeture et innombrable ouverture à la fois. A l’instar des créateurs, notamment les peintres dont l’art est un éloge au silence, nos musiciens, aux mains et souffles si chargés de sons et d’émotion, possèdent, dans le secret de la création, des voix qui peuvent être gourdes et bègues à force d’inquiétude, de doutes mêlés aux pulsions bien certaines du désir d’art, de l’art comme un désir. Rendons-leur cet hommage, avec nos remerciements à M. Meunier et aux éditions Frémeaux qui ont autorisé la publication de certains articles dans ce bulletin.

Roger PARSEMAIN